Droit Communal

Informations juridiques pour les villes et communes Wallonnes


Cette loi, si elle devait être votée, changerait considérablement la procédure au Conseil d’Etat et affecterait donc la gestion des actes administratifs qui incombe notamment aux Communes.

La présente newsletter a donc pour objectif un bref rappel de la situation actuelle et de la situation possible à venir.

Il est à noter qu’il ne s’agit que d’un avant-projet de loi qui doit encore être soumis à l’avis de la section « législation » du Conseil d’Etat, être voté et entrer en vigueur. Cela peut bien entendu prendre plusieurs mois mais il est utile d’en connaître dès-à-présent le contenu et les lignes générales.



Grandes modifications susceptibles d’impacter l’activité des Communes


1. Satisfaction équitable :

A l’heure actuelle, le Conseil d’Etat n’est compétent que pour l’annulation des actes administratifs unilatéraux des pouvoirs publics. Il ne peut être question de solliciter du Conseil d’Etat la satisfaction d’un quelconque droit subjectif, comme par exemple l’indemnisation résultant d’une faute de l’administration (article 1382 du Code civil) ou encore la censure des contrats passés par l’administration.

Jusqu’à ce jour, seuls les tribunaux judiciaires étaient compétents pour trancher ce type de litige.

L’avant-projet de loi permettrait dorénavant au Conseil d’Etat d’accorder à la partie qui obtient de cause « une satisfaction équitable ». Celle-ci pourrait être accordée tant à la partie requérante qu’à la partie intervenante pour autant qu’elles en fassent la demande.

Il s’agit d’une véritable révolution puisqu’en principe, seules les juridictions judiciaires étaient compétentes pour ce faire.

Les demandes de dommages et intérêts et procédure au Conseil d’Etat, pour autant qu’il y ait un lien entre le dommage et l’acte, seront dès lors du seul ressort du conseil d’Etat. Cela n’empêchera cependant pas une partie de saisir directement un Juge judiciaire et de demander des dommages et intérêts sans demander l’annulation de l’acte mais la partie qui sollicite l’illégalité de l’acte devra choisir sa voie : soit le judiciaire, soit le Conseil d’Etat et une demande de satisfaction équitable.


2. Modulation dans le temps de l’effet des arrêts concernant les actes individuels :

En principe, un arrêt du Conseil d’Etat aujourd’hui a des conséquences rétroactives faisant tomber tous les actes qui ont découlé de l’acte illégal sous réserve de certaines théories développées par le Conseil d’Etat (par ex. : le fonctionnaire de fait où une personne dont la nomination a été annulée ne voit pas ses propres actes automatiquement annulés).

Aujourd’hui, la Cour Constitutionnelle permet au Conseil d’Etat, depuis un arrêt n° 18/2012, de moduler dans le temps l’effet de ses arrêts, ce que consacre la nouvelle législation.


3. Pouvoir de réformation :

Le Conseil d’Etat aura un pouvoir de réformation, ce qui signifie que pour des amendes administratives, le Conseil d’Etat ne pourra pas seulement annuler l’acte mais pourra prendre une nouvelle décision qui se substituera à celle-ci.


4. Procédure de suspension :

A l’heure actuelle, pour obtenir la suspension d’un acte administratif, le requérant doit prouver qu’il subit un préjudice grave difficilement réparable sauf dans le contentieux du marché public où il lui suffit d’établir que la balance des intérêts n’empêche pas la suspension de l’acte.

La réforme permettrait à une partie d’obtenir plus facilement la suspension car la condition sera à peu près équivalente à celle existant pour les marchés publics. Seule l’urgence serait donc à démontrer.


5. Pouvoir d’injonction :

Le Conseil d’Etat a un pouvoir d’injonction. Celle-ci peut être assortie éventuellement d’une astreinte (somme d’argent à l’encontre d’un pouvoir public qui n’exécuterait pas la décision du Conseil d’Etat).

La nouvelle réforme simplifierait le système de l’astreinte, à l’heure actuelle assez complexe au niveau de son exécution.


6. Arrêt interlocutoire :

C’est peut-être la mesure la plus importante : à l’heure actuelle, le Conseil d’Etat ne peut que suspendre ou annuler un acte administratif. L’administration peut alors refaire l’acte si cela est possible (si l’illégalité n’est pas une illégalité qui empêche de refaire définitivement l’acte).





Cela oblige les parties à revenir parfois à plusieurs reprises contre un acte corrigé mais dans lequel il subsiste encore des illégalités, ce qui implique parfois plusieurs passages devant le Conseil d’Etat.

Dorénavant, le Conseil d’Etat pourrait rendre des arrêts interlocutoires c\'est-à-dire qu’il pourrait indiquer à l’administration quelles sont les illégalités qui se trouvent dans son acte et qu’il est possible de modifier.

En ce cas, l’auteur de l’acte, après l’arrêt interlocutoire du Conseil d’Etat, refait l’acte sur base des illégalités pointées par le Conseil d’Etat ce qui empêche plusieurs procédures mais oblige parfois à une procédure en deux temps et ce, pour autant que l’illégalité n’empêche pas définitivement de refaire l’acte.

Rien n’empêche non plus à l’administration de retirer son acte.


Conclusion :


Ces modifications importantes de la procédure devant le Conseil d’Etat vont avoir une incidence sur la manière dont les Communes vont devoir gérer leurs actes administratifs.

Non seulement, comme par le passé, il sera nécessaire d’être attentif à la motivation des actes administratifs et au respect des procédures administratives mais en outre, il faudra être attentif à la réfection de l’acte (la correction de l’acte) après un éventuel arrêt interlocutoire du Conseil d’Etat.

Dans les deux cas, les conséquences financières pourront être importantes puisque le Conseil d’Etat pourra trancher en même temps une éventuelle satisfaction équitable.

Il faudra donc être très attentif à la rédaction des actes, à la correction des actes et au respect des procédures.