Droit Communal

Informations juridiques pour les villes et communes Wallonnes


Celle-ci peut être résumée comme suit : lorsqu’un marché va être attribué, il y a lieu d’avertir, préalablement à cette attribution, tous les soumissionnaires non retenus, en les avisant du choix de leur non-sélection, des motifs de celle-ci et de la possibilité pour eux de mettre en œuvre les recours prévus par le Livre IIbis organisant le stand still en Belgique.

Historiquement, le stand still existait déjà dans la législation européenne mais les contours des compétences entre les tribunaux et le Conseil d’Etat étaient encore mal définis.

L’avantage du nouveau Livre IIbis est de le fixer de manière très claire et très concrète :

1. le champ d’application de ce stand still
2. les obligations qui en découlent
3. les procédures qui peuvent être mises en œuvre dans le cadre du stand still et la répartition des compétences entre les juridictions pour ce faire.

2. Cadre légal

La loi du 23 décembre 2009 a inséré un Livre IIbis intitulé « Motivation, information et voies de recours en matière de marchés publics et de certains marchés de travaux, de fournitures et de services, dans la loi du 24 décembre 1993 sur les Marchés Publics ».

Sont ainsi ajoutés à cette loi les articles 65/1 à 65/35

3. Champ d’application

L’article 65/3 précise que le stand still et les dispositions qui suivent s’appliquent aux marchés qui atteignent le montant fixé par le Roi pour la publicité européenne :

Pour rappel :

a. obligation de pré-information

Marchés de travaux : 4.845.000,00 €
Fournitures : 750.000,00 €
Services catégorie A : 750.000,00 €

b. nécessité d’un avis de marché européen

Marché de travaux : 4.845.000,00 €
Fournitures : 193.000,00 €
Services catégorie A : 193.000,00 €

L’article 65/28 ne prévoit pas le même type de procédure.

En effet, si une décision motivée et une information des candidats sont nécessaires également en-dessous du seuil européen, le marché ne peut toutefois être suspendu ou déclaré dépourvu d’effets par l’instance de recours, pour violation du droit communautaire, de la loi ou de ses arrêtés d’exécution (65/30, dernier alinéa).

4. Nécessité d’une décision motivée

L’administration communale, en toute hypothèse, devra prendre une décision motivée.

L’article 65/4 rappelle toutes les conditions où elle doit y recourir :

- procédure négociée sans publicité,
- procédure négociée avec publicité dans les secteurs classiques,
- (…),
- sélection des candidats quand la procédure comprend une première phase impliquant l’introduction d’une demande de participation,
- à l’occasion de l’attribution de marché (c’est la moindre des choses),
- en cas de renonciation à la passation du marché et/ou de lancer un nouveau marché.

L’administration veillera, conformément à l’article 65/5 :

- à indiquer le nom et l’adresse de l’autorité adjudicatrice, le montant et l’objet du marché à approuver,
- Dans le cas de la procédure négociée, les motifs de droit et de fait justifiant et permettant le recours à cette procédure,
- le nom des candidats ou des soumissionnaires,
- ( …),

- les noms des candidats ou soumissionnaires non sélectionnés et sélectionnés et les motifs de droit et de fait des décisions y afférentes,
- les noms des soumissionnaires dont l’offre a été jugée irrégulière et les motifs de droit ou de fait de leur éviction (caractère anormal des prix, non équivalence des solutions proposées par rapport aux spécifications techniques ou leur non-satisfaction par rapport aux performances ou exigences fonctionnelles prévues),
- les noms des soumissionnaires retenus et des soumissionnaires dont l’offre régulière n’a pas été choisie et les motifs de droit et de fait des décisions y afférentes, en ce compris les caractéristiques et les avantages relatifs à l’offre retenue,
- les motifs de droit et de fait pour lesquels l’autorité administrative a éventuellement renoncé à passer le marché et le cas échéant l’indication de la nouvelle procédure d’attribution suivie.

5. Information des candidats et des soumissionnaires

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Quand il y a une première phase de présélection, les candidats non sélectionnés doivent recevoir communication :

- des motifs de leur non-sélection, extraits de cette décision,
- en cas de limitation, sur la base d’un classement, du nombre de candidat sélectionnés, la décision motivée de la sélection ( 65/7, §1).

Au moment de la décision d’attribution, l’autorité communale communiquera (65/8 §1er) :

1. à tout soumissionnaire non sélectionné, les motifs de sa non-sélection, extraits de la décision motivée,
2. à tout soumissionnaire dont l’offre a été jugée irrégulière, les motifs de son éviction, extraits de la décision motivée
3. à tout soumissionnaire dont l’offre n’a pas été choisie et au soumissionnaire retenu, la décision motivée.

Il faudra veiller, sur chaque décision, à indiquer l’existence d’une procédure de stand still sur laquelle nous reviendrons juste après, avec la durée exacte de ce délai ainsi que la recommandation d’avertir l’autorité adjudicatrice dans ce même délai, par fax, mail ou tout moyen électronique, ainsi que l’adresse électronique et les numéros de fax où cet avertissement peut être envoyé.

Cette information doit être faite par l’autorité communale, par fax ou mail ou tout autre moyen électronique et en même temps, le même jour, par lettre recommandée à la poste (il est toujours préférable d’y ajouter un accusé de réception, même si la loi ne l’exige pas)(65/8, §1er).

Le soumissionnaire retenu n’est donc pas contractuellement engagé avec l’administration, avant la fin de l’écoulement du délai de stand still.

6. Durée du stand still

Délai d’attente.

Le délai du stand still est de 15 jours et il commence à courir le lendemain du jour où la décision motivée est envoyée aux candidats concernés et aux soumissionnaires concernés.

Il est donc préférable d’envoyer cette décision motivée le même jour, à l’ensemble des soumissionnaires retenus et non retenus.

Dès que le délai est écoulé, sans recours, le marché peut avoir lieu au terme du délai (article 65/11).

7. Les procédures de recours

Dans l’hypothèse de l’autorité communale, la seule juridiction compétente sera le Conseil d’Etat.

Celui-ci sera saisi en extrême urgence (article 65/15).

Il pourra :

1. suspendre ou annuler la décision unilatérale d’attribution ou de non sélection ou de renonciation au marché.
2. éventuellement ordonner des mesures provisoires.

Pour le reste l’article 65/16 permet la possibilité de solliciter des dommages et intérêts contre une décision illégale, annulée ou non par le Conseil d’Etat, mais cela n’est que l’application du droit commun.

Enfin, les soumissionnaires ont la possibilité de solliciter le Juge judiciaire pour faire déclarer la décision sans effet au cas où la publicité obligatoire n’a pas été respectée ou que le délai d’attente (stand still 65/11) n’a pas été respecté.

Un délai de 30 jours est nécessaire pour l’introduction du recours devant le Juge des référés. Il démarre le lendemain du jour où l’avis d’attribution de marché a été publié ou le lendemain du jour où les candidats concernés et soumissionnaires concernés par la conclusion du contrat ont reçu simultanément la décision motivée les concernant.

8. Les conditions de la réussite de la procédure

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Le demandeur devra prouver d’une part une illégalité et d’autre part que la balance des intérêts n’est pas déséquilibrée au détriment du pouvoir public.

C’est une notion nouvelle introduite par le législateur qui remplace celle du préjudice grave difficilement réparable.

Les contours de cette notion ne sont pas encore tout à fait bien établis par la jurisprudence du Conseil d’Etat.

On peut cependant déjà retenir les arrêts suivants :

- Conseil d’Etat, 19 août 2010 :

« Considérant pour reprendre une expression utilisée par le premier Auditeur rapporteur dans l’avis qu’il a donné à l’audience qu’il convient de ne pas faire entrer par la fenêtre l’ancienne condition relative au préjudice mais de faire une balance des intérêts. Qu’en l’espèce, ni la partie requérante, ni les pièces du dossier n’apportent le moindre élément qui permettrait de considérer que l’intérêt du requérant à obtenir le marché est supérieur aux autres intérêts visés par l’article 65/15 de la loi du 24 décembre 1993 ».

Par contre, on peut relever les arrêts suivants :

- Conseil d’Etat, 22 novembre 2010, n° 209.059 :

« Considérant quant à la balance des intérêts que la partie adverse n’a pas établi que les conséquences négatives de la suspension de l’exécution de la décision attaquée l’emporteraient sur ses avantages ».

- Conseil d’Etat, 28 décembre 2010, n°210.160, sur un marché public de distribution d’électricité, le Conseil d’Etat a estimé que :
« (…)
2. il existe un fournisseur par défaut
3. le pouvoir public se contente d’allégations mais ne peut démontrer concrètement en quoi les règles imposant la continuité du service public de la distribution d’électricité ne jouerait pas en l’espèce ni expliquer que la lettre produite par elle à l’audience constituerait l’annonce d’une coupure de cette distribution.
Dans ces conditions, les éléments annoncés par la partie adverse ne sont pas de nature à empêcher l’exécution de la décision attaquée. ».

Dans une décision du 30 décembre 2010, n° 210.180, le Conseil d’Etat rejette l’argumentation d’une Zone de Police qui invoquait la balance des intérêts au motif que le crédit permettant la dépense doit être passé avant le 31 décembre 2010 pour pouvoir être imputé sur le budget de 2010. Le Conseil d’Etat a estimé que l’argument budgétaire ne peut prévaloir sur la légalité de la procédure d’attribution de marché public et qu’il n’est pas démontré que les conséquences négatives de la suspension l’emportent sur ses avantages.

Enfin, dans un arrêt n ° 210.164 du 29 décembre 2010, le Conseil d’Etat a également rejeté l’argument du pouvoir public sur une suspension qui s’avèrerait disproportionnée car il considère qu’à défaut de prendre une décision adéquatement motivée, le pouvoir public encourt les conséquences néfastes d’une annulation. L’argument invoqué par la partie adverse pour faire la balance des intérêts n’est pas suffisant pour ne pas accorder la suspension.

De ces toutes premières décisions, on peut conclure que lorsque le soumissionnaire évincé oublie d’évoquer la question de la balance des intérêts, son recours sera rejeté.

On peut noter qu’il s’agit d’un des premiers arrêts et qu’il est fort probable que les requérants n’oublieront plus à l’avenir d’invoquer cette circonstance.

Par contre, à chaque fois qu’un moyen a été considéré comme sérieux, le Conseil d’Etat n’a pas, jusqu’à maintenant, limité ses possibilités de suspension à cause de la balance des intérêts.

Les pouvoirs publics ne doivent dès lors pas trop compter sur cette nouvelle condition qui semble dans un premier mouvement de ne pas faire obstacle au stand still contre les actes illégaux.

9. Quelques conseils pratiques

1. Toujours vérifier le champ d’application du marché envisagé

2. Toujours motiver toutes les décisions

3. Lorsque le marché est dans le champ du stand still, ne pas oublier d’indiquer l’existence du stand still, son délai et l’obligation d’avertir le pouvoir public

4. En cas de stand still, mandater immédiatement son avocat pour lui permettre de rédiger une note d’observations (le délai pour ce faire n’est que de quelques jours – maximum 1 semaine)

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