Le présent article vise à rappeler brièvement les principes en la matière, à faire analyse d’un arrêt récent du Conseil d’Etat en la matière, en tirer les conclusions et être attentif à certains éléments qu’il est conseillé de respecter.
1. Les principes
Ceux-ci résident pour le Collège dans l’article 135 § 2 de la loi communale : « De même, les communes ont pour mission de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sureté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics ».
Plus particulièrement et dans la mesure où la matière n’est pas exclue de la compétence des communes, les objets de police confiés à la vigilance et à l’autorité des communes sont :
«
1. Tout ce qui intéresse la sureté et la commodité du passage dans les rues, quais, places, voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’illumination, l’enlèvement des encombrements, la démolition, la réparation des bâtiments menaçant de ruine, l’interdiction de ne rien exposer aux fenêtres ou autre partie des bâtiments qui puisse nuire par sa chute et celle de ne rien jeter qui puisse blesser ou endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles.
La police de la circulation routière en tant qu’elle s’applique à des situations permanentes, ou périodiques, ne tombent pas sous l’application du présent article.
2. Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, telle que rixes, disputes (…)
3. Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tel que foire, marché, réjouissance et cérémonie publique, spectacle, jeu, café, église, et autre lieu public.
4. (…)
5. (…)
6. (…)
7. La prise de mesures nécessaires y compris les ordonnances de police afin de combattre toute forme de dérangement public. »
Le Bourgmestre a les mêmes attributions, sur pied de l’article 134 dans les conditions suivantes :
« En cas d’émeute, d’attroupement hostile, d’atteinte grave portée à la paix publique ou d’autres événements imprévus, lorsque le moindre retard pourrait occasionner des dangers ou des dommages pour les habitants, le Bourgmestre peut faire des ordonnances de police, à charge d’en donner sur-le-champ communication au Conseil, en y joignant les motifs pour lesquels il a cru devoir se dispenser de recourir au Conseil.
Ces ordonnances cesseront immédiatement d’avoir effet si elles ne sont pas confirmées par le Conseil à sa plus prochaine réunion. »
Deux remarques importantes à retenir :
- la répartition des compétences : Collège/Bourgmestre en fonction des conditions.
- la police générale ne peut se substituer à la police spéciale quand elle existe : en effet, la commune ne peut, sous prétexte de salubrité, tranquillité ou sécurité, prendre des arrêtés de police générale alors qu’il existe une police spéciale spécifique pour ce type de situation (par ex. : exploitation d’un lieu public ou aucune restriction n’a été apportée par le permis. Il ne peut être question pour la commune de fermer l’établissement sous prétexte d’un arrêté de police générale si les activités sur place sont conformes aux conditions du permis).
2. Analyse de l’Arrêt du Conseil d’Etat du 3 octobre 2009 n°196.637
Les faits dans cet arrêt sont les suivants :
L’organisateur d’une randonnée de véhicule, deux mois avant la manifestation, prévient les communes dans lesquelles la randonnée doit passer, afin de s’assurer d’une part que les routes seront bien ouvertes à la date prévue, et d’autre part de veiller à ce que la manifestation dérange le moins possible les habitants, en modifiant au besoin le parcours.
Il est à noter d’emblée que ne s’agissant pas d’une compétition, les routes étant ouvertes à la circulation pour tous, il n’y a pas besoin d’autorisation préalable (police administrative spéciale).
La commune n’a dès lors pas à refuser ou accepter la manifestation, mais simplement à indiquer ses désidératas.
La veille de la manifestation, le Bourgmestre, sur pied de l’article 134, prend un arrêté interdisant aux participants de la randonnée le passage sur le territoire communal, estimant que seules les routes nationales traversant sa commune pourront être empruntées par les participants.
Des mesures de verbalisation sont prévues, l’arrêté est publié la veille de la manifestation.
Les organisateurs, qui avaient imprimé environ 700 road-book pour leurs participants, ne peuvent plus changer le parcours, et le jour même, décident d’introduire un recours en extrême urgence devant le Conseil d’Etat aux fins de suspendre provisoirement l’arrêté.
Le recours est déposé le vendredi soir, le Conseil d’état fixe une audience le samedi matin et suspend provisoirement l’arrêté.
Le Conseil d’Etat rappelle, dans sa motivation :
«Considérant qu’en matière de police de la circulation routière, le législateur a déterminé expressément les pouvoirs des communes ; que s’agissant des voiries publiques situées sur le territoire de celles-ci, l’article 2, alinéa 1er des lois coordonnées relatives à la police de la circulation routière permet aux conseils communaux d’arrêter des règlements complémentaires qui sont soumis à l’approbation du ministre ayant la circulation routière dans ses attributions ; qu’en outre, les articles 10 des lois coordonnées précitées et 135§ 2, alinéa 2, 1° in fine de la Nouvelle loi communale ont soustrait la police de la circulation routière, « en tant qu’elle s’applique à des situations permanentes ou périodiques », au champ d’application du pouvoir général de police reconnu aux communes par l’article 135, §2 de la Nouvelle loi communale, de sorte qu’en matière de police de la circulation routière, les communes ne peuvent, sur la base de l’article 135, §2 précité, régler que des situations occasionnelles comme le confirme l’article 12, alinéa 2 des lois coordonnées précitées ;
qu’en l’espèce, la mesure de police attaquée revêt certes un caractère occasionnel puisqu’il ne vise qu’une manifestation précise ; que toutefois l’acte attaqué n’en dispose pas moins par voie réglementaire qu’il a pour portée d’interdire tout le réseau routier communal aux véhicules 4x4 (…) ; que comme l’expose la requérante, les véhicules des participants à sa manifestation ne peuvent être individualisés puisqu’il s’agit de simples usagers de la voirie roulant en véhicules 4x4 ;
Considérant que, dans le cadre d’une commune, le pouvoir réglementaire appartient, en principe, au conseiller communal, en ce compris le pouvoir d’adopter des règlements de police dans les matières énumérées à l’article 135,§ 2 de la Nouvelle loi communale, matières dans lesquelles la loi n’attribue au bourgmestre qu’un pouvoir d’exécution des lois, décrets, ordonnances, règlements et arrêtés de police ; qu’un pouvoir réglementaire ne revient qu’exceptionnellement au bourgmestre dans les cas définis à l’article 134,§ 1er de la Nouvelle loi communale ; que l’exercice de ce pouvoir réglementaire requiert, d’une part, que l’évènement qui peut le justifier soit imprévu et qu’il soit urgent d’y porter remède, et d’autre part, que la mesure prise soit temporaire et provisoire ;
Que, formellement, l’acte réglementaire doit indiquer les motifs qui justifient l’exercice par le bourgmestre de ce pouvoir exceptionnel, et doit être confirmé par le conseil communal à sa plus prochaine réunion ; qu’en l’espèce, ni l’acte attaqué ni le dossier administratif ne comporte une telle justification ; que bien au contraire, il apparaît que la partie adverse a été avisée de l’activité litigieuse dès le début du mois d’août ; que rien, dans ce contexte, ne permet de justifier l’exercice, par le Bourgmestre de la commune, d’un arrêté de police à portée réglementaire.
Que surabondamment ,l’on relèvera que, spécialement par rapport au nouveau tracé proposé par la requérante dans sa lettre du 24 septembre 2009, l’acte attaqué ne démontre nullement que la précarité du réseau routier communal serait de nature à remettre en cause la sécurité publique en cas d’utilisation du dit réseau par les véhicule 4x4 ;
Qque si l’on peut admettre que certains axes du réseau puissent être concernés par un état de précarité, il n’est pas légalement admissible que la partie adverse qui est légalement tenue à un devoir d’entretien de sa voirie puisse s’opposer au passage d’un cortège de 4x4 pour un motif lié à un état de précarité qui concernerait l’ensemble de son réseau routier ;
Qu’à cet égard, le recours à l’article 135 de la Nouvelle loi communale paraît difficilement envisageable pour adopter une mesure d’interdiction qui, en tant qu’elle concerne l’ensemble de la voirie communale, a une portée trop générale.
Que le premier moyen (…) est sérieux. ».
Le Conseil d’Etat pointe dès lors :
- l’impossibilité pour le Bourgmestre de prendre une telle décision dans la mesure où les conditions d’urgence requises par l’article 134 ne le sont pas.
- l’interdiction d’évènement à portée occasionnelle est possible pour autant qu’il n’ait pas une portée trop générale comme dans le cas d’espèce. En effet, il était difficile de pouvoir différencier les participants de la manifestation de n’importe quel autre conducteur.
- enfin, la motivation de ce genre d’arrêté doit non seulement exister mais être pertinente.
3. Eléments auxquels il y a lieu d’être attentif à l’occasion d’organisation de manifestation
1. Vérifier si l’on se trouve en face d’une mesure de police administrative générale ou spéciale
2. Si une police spéciale existe, la mettre en œuvre. S’il n’en existe pas, voir si une mesure de police administrative générale est envisageable
3. Si une mesure de police générale administrative est envisageable, s’y prendre suffisamment tôt pour l’analyser.
4. Prendre une motivation adéquate.